Colère France Moyen-Orient

Samedi – 10e Ramadan 1444 AH – 01 avril 2023 Numéro d’émission CE [16195]

« Ce gouvernement ne nous écoute pas », a déploré Reynolds, ingénieur mécanicien de 50 ans au port de Marseille, alors que ses collègues installaient des barricades sur la route d’un dépôt de carburant. « Il y a une profonde colère ici », a-t-il ajouté.
Les sentiments de colère se sont peut-être un peu calmés grâce à l’interview télévisée récemment diffusée avec le président Emmanuel Macron. Au cours de l’interview, Macron est enfin sorti de son silence quasi complet sur la réforme des retraites, qui a plongé la France dans une vague de grèves et de manifestations. Au cours de l’entretien, Macron a défendu la nouvelle législation comme une nécessité économique. Il est clair que le vote de censure que Macron a raté de peu à l’Assemblée nationale lundi ne lui a pas fait ressentir de remords quant à l’introduction de la nouvelle loi. Macron s’en tient à sa position face à l’opposition de la majorité de la population, qui s’oppose à un relèvement de l’âge de la retraite de deux ans à 64 ans.
Certains espèrent encore empêcher l’adoption de la loi, d’autant plus qu’il existe un précédent pour que le gouvernement français renonce à une loi impopulaire face aux grandes manifestations qui ont éclaté en 2006. Même l’auteur de la nouvelle loi n’a pas encore échappé au contrôle du Conseil constitutionnel français, qui est la plus haute juridiction du pays, ce qui pourrait soulever des questions sur la manière douteuse dont le projet de loi a été présenté.
Cependant, si le gouvernement réussit à faire avancer la loi, ce qui semble probable, ce sera une victoire à la Pyrrhus. Il est clair que les dégâts causés au pays ces dernières semaines ne seront pas inéluctables, d’autant que Macron a coupé les ponts avec des alliés potentiels, empoisonné les relations avec des partenaires potentiels à la table des négociations et mobilisé la majorité de l’opinion publique française contre lui. Et à en juger par la vague de grèves qui a balayé le pays, des raffineries de pétrole en Normandie aux bus publics, le mécontentement risque de persister.
Aujourd’hui, la tâche de gouverner le pays est devenue encore plus difficile pour Macron. Sans majorité à l’Assemblée nationale, le parti Ennahda de Macron s’est fortement appuyé sur le soutien des républicains de droite depuis les élections générales de l’été dernier.
Cependant, 19 législateurs républicains ont soutenu une motion de censure à Macron. Après ce procès, qui a révélé un état de rébellion incontestable, il est difficile d’imaginer une alliance entre le parti et l’Elysée pour des réformes majeures dans la période à venir.
Plus important encore, Macron avait perdu la confiance de l’opinion publique française et avait sapé l’équilibre de bonne volonté dont il jouissait encore après sa réélection en ignorant – une fois de plus – les millions qui ont voté pour lui parce qu’il était ses adversaires voulaient empêcher loin de venir au pouvoir. En raison de sa réforme de l’âge de la retraite, les taux d’approbation de Macron sont tombés en dessous de 30 %. Les appels à nettoyer les rues de la capitale de ses tas d’ordures ont peut-être été accueillis avec enthousiasme par la riche base métropolitaine du président, mais sont tombés dans l’oreille d’une grande partie de la population du pays, qui a peu de choses en commun avec les riches parisiens.
Le moment politique en France aujourd’hui ressemble fortement aux premiers stades de la montée du mouvement des « gilets jaunes » en 2018, lorsqu’une proposition de hausse de la taxe sur le carburant a déclenché des semaines de manifestations. Même alors, la colère bouillonnait au sein des familles qui luttaient pour survivre, et le soutien généralisé aux manifestations s’est heurté à une arrogance officielle choquante. Comme au début de ce conflit, Macron a passé des semaines à ne pas approfondir l’opinion publique sur la bataille des retraites, forçant son Premier ministre à traiter la question en son nom. Les critiques disent que le premier grand discours de Macron sur le sujet depuis le début des manifestations est arrogant.
Laurent Berger, secrétaire général de la plus grande confédération syndicale du pays, la CFDT, a déclaré à propos du discours de Macron qu’il reflétait « un modèle d’irréalité ». Il faut en finir avec cette situation verticale où quelques-uns ont raison et tout le monde a tort. » Cette situation a plongé la France dans une crise politique – une crise qui a soulevé des questions sur la nature de la structure de la Vème République et ses lointaines -les poses de pouvoirs atteignantes, qu’elle accorde au chef de l’Etat. Beaucoup se demandent : comment un président qui n’a pas de majorité parlementaire peut-il poursuivre une politique aussi impopulaire ?
Et avec Macron ignorant les appels à un référendum ou à des élections générales, les appels à la réforme des institutions politiques françaises semblent se multiplier. Selon l’historien et politologue Patrick Weil, l’une des solutions proposées est d’allonger le délai entre les élections présidentielles et législatives. Cela permettrait aux électeurs français d’évaluer le mandat du président lors d’une élection de mi-mandat. Et peut-être que l’appel du parti populiste de gauche « France Fière » à construire une sixième république gagne en popularité aux yeux des masses françaises. Pendant ce temps, les manifestations perturbent de plus en plus la vie dans le pays alors que les militants érigent des barrages routiers sur les autoroutes et organisent des rassemblements nocturnes. Le camp pro-Macron s’est plaint que les opposants poursuivent des tactiques de confrontation tandis que le président a établi des comparaisons entre ce qui se passe et les émeutes au Capitole américain le 6 janvier.
Cependant, cette comparaison n’existe vraiment que dans l’esprit du président, car aujourd’hui, les manifestants descendent dans la rue en réponse à un gouvernement qui ignore systématiquement l’opinion publique, les appels des syndicats modérés et les grandes marches de rue traditionnellement.
De son côté, Reynolds résume parfaitement : « Cette administration ne veut pas négocier. Eh bien, à un certain moment, il sera confronté à un peuple qui ne veut pas non plus négocier.
Service du New York Times.

Édith Desjardins

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