La France va-t-elle confisquer la collection de tableaux des frères russes Morozov ?

Paris : « Moyen-Orient »

C’était une belle exposition d’œuvres d’art rares dont les visiteurs pouvaient profiter dans le bâtiment moderniste de la Fondation Vuitton, dans la forêt de Bologne. Puis la guerre éclata en Ukraine et les tableaux devinrent un sujet d’intérêt médiatique et diplomatique et judiciaire entre Paris et Moscou. Il s’agit d’une collection de peintures inestimables de la collection des frères Morozov, arrivées de Russie sous forme de prêt et d’exposition et qui seront restituées dans leur pays d’origine après l’exposition. Mais le sort de ce groupe est incertain en raison de la guerre en Ukraine.
Le président français Emmanuel Macron a inauguré l’exposition l’été dernier. Depuis, plus d’un million de personnes l’ont visité. On espérait que les tableaux seraient bientôt emballés et renvoyés dans leur pays d’origine, si les commentateurs sur les réseaux sociaux n’avaient pas écrit que l’État français devrait confisquer la collection. Le prétexte est qu’il s’agit de tableaux d’artistes français importants. La collection Morozov est l’une des collections d’art les plus précieuses au monde et Lénine l’a confisquée à son propriétaire en 1918. Depuis, elle a été partagée par plusieurs institutions : l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, le Musée des Beaux-Arts Pouchkine, la Galerie Tryakov à Moscou et les Musées de Minsk en Biélorussie et de Dneproperovsk en Ukraine. Certaines pièces sont également allées à des institutions artistiques fondées par un certain nombre de riches hommes d’affaires russes, c’est-à-dire des oligarques. Ce sont 200 tableaux du meilleur art connu en peinture.

Le président Macron inaugure l’exposition de la collection Morozov

Les frères Mikhaïl et Ivan Morozov, nés en 1870 et 1871, appartenaient à une riche famille industrielle de Moscou à l’époque tsariste. C’est une famille qui croit aux anciens enseignements religieux orthodoxes. Son arrière-grand-père était esclave et, après sa liberté, fonda une fabrique de rubans en tissu qui prospéra à la fin du XIXe siècle, recevant des commandes de nombreuses usines textiles. Les deux frères ont grandi dans une atmosphère d’éducation et de bonheur. Ils portaient des idées progressistes et fréquentaient les théâtres et les cercles d’écrivains et de peintres. Ils eurent un troisième frère nommé Arsène, décédé jeune après avoir été blessé dans une bagarre entre ivrognes. Cependant, le mérite de la collection d’œuvres artistiques revient au frère aîné Mikhaïl, qui parlait couramment le français, écrivait des critiques de théâtre et publiait également un roman de littérature ouverte sous un pseudonyme. Il commence à collectionner des tableaux de peintres de son temps et prend le risque d’acheter des tableaux de nus, même si c’est un comportement inacceptable dans les milieux conservateurs. En raison de sa soif de vie et de ses délices, de sa veille tardive et de sa consommation d’alcool, il mourut en 1903. Il avait 33 ans et avait collectionné 39 œuvres de peintres européens et 44 tableaux d’artistes russes. Son frère Ivan, qui dirigeait l’usine familiale, constitue à son tour sa propre collection de peintures. Avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il a pu acquérir 240 tableaux d’artistes français et 430 œuvres d’artistes russes.
Ainsi, la collection, considérée comme l’un des trésors de l’art moderne, comprenait, outre les peintures inestimables de Paul Gauguin, Renoir, Cézanne, Bonnard, Van Gogh, Matisse et Picasso, des œuvres d’artistes russes signées Repin. Larionov, Gontcharova, Knochalovsky et aussi Malevitch, le plus grand pionnier de l’art scolaire abstrait. Lorsque la Révolution russe éclate, tous ces trésors sont nationalisés, Ivan Morozov s’exile et meurt peu après en Allemagne en 1921 à l’âge de 49 ans.
Ceux qui demandent la confiscation des tableaux souhaitent que la France les vende et soutienne l’aide humanitaire aux réfugiés ou utilise les bénéfices pour acheter des armes pour l’armée et la résistance ukrainiennes. En vertu d’une loi française de 1994, l’État français n’a pas le droit de confisquer les tableaux, dessins et sculptures parce qu’ils appartiennent à des établissements publics étrangers, comme c’est le cas pour les prêts importants d’œuvres provenant de l’étranger. Un arrêté du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministre de la Culture du 19 février 2021 les exempte de détention.
L’exposition devait se terminer le 22 du mois dernier. Cependant, à la demande générale, cette mesure a été prolongée. Un décret supplémentaire concernant la prolongation a été publié et publié au Journal officiel. Le groupe Morozov ne peut donc pas être juridiquement affecté. Il existe cependant des exceptions pour les guerres et les cas particuliers. En 2005, les autorités douanières de la ville suisse de Bâle ont confisqué 54 tableaux de la collection du musée Pouchkine, qui ont été envoyés pour exposition à la Fondation Pierre Giannada de Marigny. La raison en est les conflits financiers. Enfin, le Conseil fédéral a relu le droit international en lien avec ces conflits et a constaté que ses articles interdisent toute confiscation des biens culturels nationaux.
En 2008, la Royal Academy de Grande-Bretagne a organisé une exposition intitulée « De Russie », qui comprenait des chefs-d’œuvre de peintres français et russes de la période comprise entre 1870 et 1925. Le président Vladimir Poutine a demandé au Parlement britannique d’empêcher toute action en justice liée à la propriété des peintures lors de l’exposition, et cette demande a été satisfaite.
En France, Aude Borisi, juge au département économique, a décidé de confisquer un tableau de l’artiste allemand Lukas Cranach des collections de la famille royale du Liechtenstein, soupçonné d’être un faux. Le juge a participé activement aux poursuites contre les faussaires d’œuvres d’art.

Félix Germain

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