À travers une enquête intéressante Sur le site du Nouvel Arabe Khalil Bourouj* nous fait voyager à travers l’histoire pour nous ouvrir les portes de l’histoire du tourisme en Tunisie qui nous est restée fermée. Il nous ramène à l’époque de l’occupation française en Tunisie et nous permet d’apprendre comment l’État français fournissait le produit touristique en Tunisie.
Voici la recherche présentée par M. Bourouj
La France coloniale présentait la Tunisie comme une destination de voyage exotique et arriérée et dépeint les habitants comme paresseux et démodés. L’office du tourisme tunisien a adopté ces motifs jusqu’à ce qu’une vague d’artistes tunisiens décident de se réapproprier leur identité culturelle.
À partir de la fin du XIXe siècle, les publicités touristiques semblent inciter les Occidentaux des grandes villes à explorer les colonies d’outre-mer.
Dans ce contexte, la relation entre l’art du voyage entre la France et son ancienne colonie la Tunisie offre une perspective intéressante pour examiner comment la publicité commerciale véhicule des images exotiques de terres lointaines et de leurs habitants et comment ce processus reflète des dynamiques de pouvoir et des préjugés inégaux.
Le début de ces voyages est marqué par les établissements ferroviaires et navals français et les artistes qu’ils emploient, qui établissent rapidement un style thématique pour représenter un pays ou une région.
Un exemple notable en est la célèbre compagnie ferroviaire française PLM – Chemins de Fer Paris-Lyon-Méditerranée – qui a chargé l’artiste Frédéric Hugo d’Alessi de concevoir certaines de ses affiches.
1892 BLM. L’affiche « Tours de France à Tunisie » est devenue une icône. Fidèle au style de l’époque, cette affiche montre un paysage fascinant avec une vignette insérée mettant en valeur un point d’intérêt, comme la mosquée Sidi Youssef Dey en Tunisie.
Une civière décorée portée par un chameau transporte deux Françaises, conduites par un guérisseur local. Cette affiche invite les Français à vivre une expérience sensiblement différente de leur environnement habituel.
Pendant le PLM, la Compagnie Générale Transatlantique (Ligne française) exploitait des services ferroviaires en France et en Tunisie et gérait les routes maritimes à travers la Méditerranée vers le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.
En 1925, l’entreprise recrute Jeanne Thiel, qui a étudié à l’Ecole Orientaliste Française et qui a beaucoup voyagé en Afrique du Nord en 1921.
Les expériences et les leçons de Thiel illustrent le profond lien entre le colonialisme et la production d’affiches de voyage. La région du Maghreb, dominée par la France, facilitait l’exploration et l’école orientaliste était un outil de l’impérialisme français.
Le travail de Thiel reflète les idées dominantes de son époque, comme le démontre son illustration pour la campagne CGT, qui représente trois Bédouins se reposant sur fond de village.
Ces représentations dépeignent les Arabes comme paresseux et insensibles à la modernité. Même dans des images plus modernes, comme une publicité pour Air Tunis de 1930 de l’artiste français Jean Yvin, le modernisme est une réalisation française qui plane sur le sol tunisien plutôt que de s’y installer.
Même si la représentation de l’Orient contraste fortement avec celle de l’Orient, il est important de noter que de nombreuses régions du Maghreb partagent des similitudes.
La région du Maghreb abrite de superbes villes anciennes avec des résidences et des palais magnifiquement construits. Le paysage, notamment en Tunisie et en Algérie, présentait un littoral luxuriant rappelant le nord de la Méditerranée.
La région abritait également des artisans et des écrivains locaux. Cependant, pour que la Tunisie captive l’imagination des voyageurs potentiels, elle devait offrir un attrait exotique. Les affiches de voyage traduisaient la séparation entre la France et ses provinces du sud.
Pour souligner l’idée que ces mondes sont différents, le Maghreb a souvent été occulté et a servi de métaphore à la manière dont les écrivains occidentaux décrivaient le monde arabo-islamique – mystérieux et impénétrable.
Le voile symbolise que seul l’orientaliste expérimenté peut révéler ses secrets ou que la compréhension ne peut être obtenue que par l’expérience personnelle.
Ce roman correspond également à un thème orientaliste commun : l’Occident est instruit et rationnel, tandis que l’Orient est mieux compris en profondeur qu’analytiquement.
L’essence de cette perspective est incarnée dans l’affiche du PLM « Visitez la Tunisie » (1935). Le regard occidental est également évident dans d’autres publicités touristiques axées sur le hijab, comme une publicité de 1950 pour la Compagnie de Navigation Mixte basée à Marseille, qui proposait des croisières vers la France et le Maghreb, et l’affiche de 1947, publiée par le gouvernement colonial « Pied Nuer » en 1947. Alger.
Dans l’ère postcoloniale, il est clair que de nombreux motifs coloniaux persistent et ont été adoptés par l’Office National du Tourisme de Tunisie. Cette focalisation n’est pas surprenante puisque le groupe cible – les Français – reste constant.
La Tunisie indépendante invite désormais les Français à redécouvrir le pays pour se divertir.
Sur un cliché des années 1950, on peut voir une Européenne se détendant sur la plage tandis que deux femmes arabes voilées marchent en arrière-plan.
La publicité invite les Français à découvrir une culture exotique qui distingue les locaux des visiteurs. Le symbole du hijab est répété dans une publicité touristique tunisienne de 1966 conçue spécifiquement pour les voyageurs italiens.
Ironiquement, alors que le régime de Bourguiba exhortait les femmes tunisiennes à porter le hijab, son office du tourisme collaborait avec l’office du tourisme du gouvernement italien pour promouvoir les fantasmes orientalistes.
Dans les temps modernes, la Tunisie est encore décrite comme étant peu peuplée, reflétant le passage d’un pays de l’ère coloniale prêt à l’exploration à un pays d’aujourd’hui destiné au plaisir.
Ce qui est frappant, c’est que les éléments culturels tunisiens sont souvent absents de ces publicités. Avec une représentation minimale de l’arabe ou de l’islam, les affiches indiquent subtilement que les aspects islamiques ou arabes ne sont pas souhaitables pour le public occidental.
Ces campagnes sont toujours menées par des agences occidentales qui communiquent leur interprétation de la Tunisie à leurs frères occidentaux. (La campagne publicitaire a été conçue par Leo Burnett Paris.)
Cela pose la question de savoir comment représenter la Tunisie lorsque le public est tunisien. Nous ne pensons pas ici à la publicité touristique intérieure auprès des Tunisiens, mais plutôt à l’émergence d’œuvres d’art de masse influencées par la publicité touristique précoce.
- Khelil Bouarrouj est un écrivain et militant des droits civiques basé à Washington, DC. Son travail peut être trouvé dans le Washington Blade, Palestine Square et d’autres publications.
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