Sur fond d’insécurité alimentaire mondiale due au conflit ukrainien et au changement climatique, au grand dam des militants écologistes, une nouvelle dynamique se dessine pour la culture du blé et du soja génétiquement modifiés, l’Argentine en tête.
En avril, la Chine, le plus grand importateur mondial de soja et de ses dérivés, a approuvé l’importation de soja génétiquement modifié résistant à la sécheresse en provenance d’Argentine après cinq ans d’études.
Le Canada l’a précédé dans cette démarche en 2021, et ces derniers mois l’Australie, puis les États-Unis puis le Nigéria ont approuvé la farine de blé argentine génétiquement modifiée « HB4 » pour la consommation. En ce qui concerne les graines, le chemin continue.
Pour l’Argentine, désireuse d’obtenir des devises pour l’exportation et rêvant de reconquérir sa gloire passée de « grenier du monde » dans la crise alimentaire actuelle, le pays ouvre les portes de ses produits GM après des années d’hésitation.
Le pays, troisième économie d’Amérique latine, a fait de ces plantes sa spécialité. Depuis les premières cultures GM en 1996 (notamment à partir du soja, ou « l’or vert »), l’Argentine est le troisième pays au monde en termes de superficie GM, après les États-Unis et le Brésil.
Collectivement, ces cultures représentent 63 % des terres agricoles et 13 % de la superficie mondiale plantée avec des matériaux génétiquement modifiés. Aussi, 100 % du soja et du coton et 98 % du maïs produits en Argentine sont des organismes génétiquement modifiés qui résistent aux insectes, à la sécheresse et aux herbicides comme le glyphosate… La prochaine cible est le blé, dont ce pays est le septième exportateur mondial. le monde.
« Notre objectif est d’atteindre 40% du blé (OGM) en Argentine d’ici trois à cinq ans », a déclaré à l’AFP Federico Trocco, directeur général de Bioceris.
Cette société a développé « HB4 Wheat » dans le cadre d’un partenariat public-privé avec le Conseil national de la recherche scientifique et technique et l’Universidad Nacional del Litoral de Santa Fe. « Cela est lié aux zones qui souffrent actuellement d’une productivité limitée du blé en raison de la disponibilité de l’eau », a ajouté Trucco. Le pays devrait connaître sa pire récolte de blé en 12 ans, avec une troisième année consécutive de sécheresse.
Actuellement, le cultivar HB4, surnommé « super blé », développé à partir du gène du tournesol résistant à la sécheresse, est encore au stade expérimental avec 100 000 hectares plantés pour fournir des semences pour les futures cultures.
« Il n’y a pas encore de commercialisation à grande échelle car nous n’avons pas les variétés requises en quantités suffisantes », déclare Trucco, même s’il estime que le contexte alimentaire mondial actuel a changé la donne pour les cultures GM.
Ce boom imminent inquiète les écologistes, qui dénoncent l’impact sur les sols, les agriculteurs et même la santé depuis le boom du soja OGM dans les années 1990 et l’expansion des « frontières agricoles » de l’Argentine.
Guillermo Fulguera, biologiste et chercheur au Conseil national de la recherche scientifique et technique, non affilié au projet HB4, déplore « la perspective à court terme dominante qui ignore les conséquences à long terme, que ce soit en termes de contamination d’autres cultures, de déplacement de petits agriculteurs ou le stress chimique ». Il souligne que « la dégradation du sol causée par la monoculture intensive entraîne une baisse de rendement, que nous voulons compenser avec plus d’engrais. » « Il est très probable qu’une parcelle génétiquement le blé modifié par génie génétique pourrait contaminer un autre blé tendre. Et la contamination croisée est pleine de dangers, il n’y a pas de retour en arrière.
Bien que la semence de blé HB4 ait été officiellement approuvée par les tribunaux argentins en mai, il existe toujours une opposition locale. Gualeguaycho, à 240 km au nord de la capitale Buenos Aires, discute d’une interdiction des semences de blé génétiquement modifiées sur son sol. La ville a interdit le glyphosate en 2014.
De plus, de nombreux exportateurs restent prudents, craignant l’impact sur les pays qui rejettent les OGM ou dont les consommateurs voient ces produits d’un œil négatif.
Gustavo Idigoras, président de la Chambre des oléagineux, met en garde. « Nous n’accepterons pas un seul grain de blé (HB4) dans certaines expéditions par crainte d’un rejet pur et simple sur certains marchés », dit-il. « La biotechnologie est le seul moyen d’assurer la sécurité alimentaire mondiale, mais elle doit s’accompagner du soutien des entreprises et des consommateurs », ajoute Edegoras.
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