Les flammes de l’islamophobie grandissent… Pourquoi la France vise-t-elle le lycée islamique « Ibn Rushd » ? | politique

Paris – Dans une décision rare et controversée, le gouverneur du Nord et de la région Hauts-de-France, François Leclerc, a annoncé la résiliation de l’accord de partenariat gouvernemental avec le lycée privé islamique « Ibn Rushd » de la ville française de Lille.

Ibn Rushd est considéré comme le premier lycée islamique fondé en France il y a 20 ans et a remporté le prix du meilleur lycée du pays en 2013.

Le communiqué du gouverneur affirme que l’institution « ne représente pas les valeurs de la République et ressemble à une institution séparatiste », avec des allégations de « réception de fonds étrangers et d’éducation qui sont mises en question ».

En examinant les détails de l’affaire, Al Jazeera Net a constaté qu’il y avait des lacunes dans le rapport de 12 pages du gouverneur. Nous avons également tenté de contacter le gouverneur pour obtenir des informations, mais il a refusé de commenter.

L’école secondaire Ibn Rushd accepte des élèves de toutes religions et ethnies en France (Al Jazeera).

Lacunes dans le document

Le gouverneur François Leclerc commence le document en critiquant la question de l’éthique islamique, en qualifiant son contenu de « salafiste » et en citant un article de l’écrivain Mohamed Al-Louizi, qui lutte depuis des années contre ce lycée, et certains de ses blogs dans des médias d’extrême droite comme « Cosor » ont publié.

Il semble que Leclerc ait omis de souligner qu’Al-Louisi n’a aucun lien avec l’institution et n’était ni conférencier ni membre de son équipe pédagogique.

Deux documents officiels contredisent la version du gouverneur : le rapport d’inspection de cette année de l’institution faisait référence à des cours d’éthique islamique sans mentionner aucun avertissement. Le rapport de l’inspection académique rendu public en juin 2020 précise : « Les conclusions de la mission n’indiquent pas que les pratiques pédagogiques s’écartent des objectifs, des principes établis et des valeurs de la République ».

Le gouverneur a également évoqué le message d’un enseignant qui dirigeait pour son propre compte un cours d’éthique en 2015 après les attentats de Charlie Hebdo, suggérant qu’il soutenait ce projet. Cependant, après examen du document, il est apparu que le gouverneur n’avait pas précisé que l’enseignant avait clairement condamné l’attaque au même poste et qu’il avait quitté l’établissement il y a 18 mois.

« Ibn Rushd » est considéré comme le premier lycée islamique fondé en France il y a 20 ans (Al Jazeera)

Homosexualité et discrimination contre les écoles islamiques

Le gouverneur s’est appuyé sur une inspection menée l’année dernière pour remédier au manque de ressources culturelles, à l’homosexualité, à la laïcité et à l’avortement. Ce qu’il n’a pas mentionné, cependant, c’est que les inspecteurs ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure d’effectuer une recherche numérique précise pour identifier ces problèmes en raison d’un problème logiciel, ce qui les a conduits à effectuer une recherche manuelle incomplète.

Dans ce contexte, le directeur de l’association « Ibn Rushd », Makhlouf Mamish, considère la déclaration du gouverneur comme une grave erreur, puisque l’administration a fourni une liste de livres, magazines et recherches liés à toutes les religions dans la bibliothèque de l’école. Il existe 28 ouvrages traitant des religions autres que l’Islam et 75 références à la laïcité, ainsi que 45 sources sur l’homosexualité et 32 ​​sources sur l’avortement.

S’adressant à Al Jazeera Net, Mamesh a ajouté que le gouvernorat de Lille affirme que la bibliothèque expose des livres de Hassan Ekoussen (l’imam expulsé de France en janvier 2023), même s’il n’a publié aucun livre de sa vie. Le gouverneur confond en effet un ouvrage intitulé « La paix soit avec vous, oui, les religions ont été créées pour s’unir » publié par son fils Othman et le catholique chrétien Deffebvre, qui a été approuvé par les autorités.

Le responsable de l’organisation « Justice et droits sans frontières », François Desroches, s’interroge à son tour sur la raison pour laquelle l’homosexualité n’est promue que dans les lycées islamiques, alors que cela n’est pas exigé dans les autres institutions chrétiennes ou juives.

S’adressant à Al Jazeera Net, Deroche souligne la différence actuelle en déclarant : « En France, il n’y a que deux lycées islamiques, alors qu’on trouve environ 5 000 lycées catholiques et 1 700 lycées juifs. »

L’école islamique Ibn Rushd a remporté le prix de la meilleure école secondaire de France en 2013 (Al Jazeera)

Frais financiers

Concernant les allégations financières, le gouverneur a écrit dans son rapport que les sources de financement d’Ibn Rushd « soulèvent des questions ».

Entre 2011 et 2015, l’Association Ibn Rushd a reçu des dons d’une organisation non gouvernementale internationale pour un montant total de 943 mille euros. Ces dons étaient connus de l’État et étaient effectués par l’intermédiaire des banques, selon le directeur de l’école.

L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche expliquait en juin 2020 : « Il s’agit d’un don d’une organisation non gouvernementale internationalement reconnue à un établissement d’enseignement. Cette pratique est légale à condition qu’elle ne soit pas soumise à des conditions contraires aux valeurs de la République et que le don soit inconditionnel. » « La Région Hauts-de-France en est fondamentalement consciente. »

Dans ce contexte, Mamesh affirme qu’il n’existe pas de loi française interdisant les dons étrangers, « même les écoles juives et catholiques reçoivent des dons, et si c’est interdit, il faut l’interdire à tout le monde, pas seulement aux musulmans ».

Plusieurs activités culturelles et sociales du lycée islamique « Ibn Rushd » en France (Al Jazeera)

Contrôle continu

Le directeur d’Ibn Rushd, Eric Defore, a souligné que l’école secondaire est la plus étroitement surveillée de France, ayant fait l’objet de dizaines d’audits de la Chambre régionale des comptes, de l’Administration régionale des finances publiques et des inspections académiques.

Il a salué le soutien à l’institution de la part des syndicats et des hommes politiques – notamment de gauche – qui considèrent ce qui se passe comme discriminatoire, dans la mesure où d’autres institutions d’autres religions ne sont pas soumises à ce niveau de surveillance.

La Mission d’Inspection a constaté en 2020 que « les 13 inspections d’enseignants réalisées dans l’établissement depuis 2015 en font l’établissement le plus surveillé de l’académie, sans aucune observation négative contradictoire avec les approches pédagogiques observées ».

EtS’adressant à Al Jazeera Net : Devore a souligné : « Le ministre de l’Éducation a dit qu’il n’avait rien contre une école secondaire, mais c’est le ministère de l’Intérieur qui gère le dossier car nous sommes accusés d’islam politique », a-t-il ajouté. « Il y a des partis français, notamment la Régionale Nationale, qui font campagne contre les musulmans. Il est clair que le climat politique du pays est sous pression.»

Faire appel de la décision

S’adressant aux médias locaux, les avocats Vincent Bringarth et William Bourdon ont condamné ce qu’ils ont qualifié de « liens politiques » et ont souligné que « toutes les voies de recours possibles seront présentées au tribunal administratif dans les plus brefs délais ».

S’adressant à Al Jazeera Net, le directeur de l’école a confirmé que le rapport du gouverneur « contient de nombreuses inexactitudes et inventions et nous le prouverons. Nous communiquons toujours avec le personnel et les familles des étudiants et ferons de notre mieux pour continuer.

François Desroches a confiance dans le système judiciaire et affirme que l’école a combattu cinq dossiers avec l’État et a gagné dans chacun d’eux. Il poursuit : « Ils considèrent l’Islam comme dangereux pour la République, mais un homme qui va prier en paix ne présente pas de danger. » Ils craignent la formation d’une élite de jeunesse musulmane.»

Deroche se demande si cette crainte vient du désir des familles françaises non musulmanes de bénéficier de l’excellente éducation du pays, l’école secondaire acceptant non seulement les musulmans mais étant ouverte à toutes les religions.

Alors que Mamesh confirmait disposer de preuves concluantes pour le gouverneur, celui-ci était déterminé à mettre fin au contrat et à briser les succès du lycée, ce qui les a amenés à couper tout contact avec lui et à créer deux cabinets d’avocats à Paris et à Lille. « C’est pour ça raison pour laquelle l’État a mis fin à son contrat avec une institution pour la première fois dans l’histoire de France.

Si le décret est confirmé, cela signifiera que le lycée, où plus de 50% de ses élèves reçoivent des bourses, perdra 300 000 euros de subventions annuelles qu’il reçoit du gouvernement depuis le début de l’année scolaire, ce qui ce serait également le cas de supprimer les salaires des enseignants par le ministère de l’Éducation.

Édith Desjardins

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